Le temps est une chose relative. Il
s'étire parfois interminablement, ou semble d'autre fois défiler à
toute vitesse. Tout comme ce premier mois ici, qui bien que ne durant
pas plus de 31 jours, a été à ce point riche que j'ai peine à
croire que mon arrivée ne remonte pas à plus loin en arrière.
Tentative de premier bilan donc.
Tentative seulement, parce que condenser en quelques lignes ces
journées particulières est forcément un peu vain, un peu
maladroit.
L'immigration, si longuement préparée
et délibérée qu'elle soit, est d'abord un déracinement. Difficile
-impossible?- de larguer les amarres vers l'inconnu, aussi séduisant
soit-il, sans ressentir un malaise plus ou moins palpable à
l'évocation de l'avant : les spectres mélancolique
d'une vie confortable et routinière qu'on a décider de bousculer.
Avec des rêves plein la tête évidemment, avec pas mal
d'incertitudes aussi.
D’où les sentiments contradictoires qui
m'ont assailli lors de mes toutes premières journées québécoises :
soulagement d'y être enfin arrivé bien sûr. Mais aussi impression
tenace de solitude, alors que je sens que la séparation d'avec ceux
que je laisse en France sera bien la partie la plus compliquée de
cet « exil » volontaire. Trois journées environ de ce
spleen de l'immigrant, avant que je prenne, simplement, le temps de
ne rien faire de spécial, de me laisser aller au travers des rues de
ma nouvelle ville. Et de mesurer la chance qui m'est donné, les
découvertes innombrables qui s'annoncent : lieux, gens,
sensations...toutes ces dépaysements pour lesquels j'ai décidé,
il y a bientôt deux ans, de me lancer enfin dans cette aventure. Les
journées, puis semaines qui suivent ne font que confirmer le
propos : oui ça en valait la peine, et plus encore. Évidemment
n'y a pas de boulevard doré offerts à celui qui arrive ici. Il faut
compter ici comme ailleurs avec les mauvaises surprises, les jours
moroses, les envies de rien.
Est-ce que les choses sont plus
compliqués quand on arrive seul ? Sans doute, dans tous les cas
la seule solution consiste toujours à bouger, sortir de sa zone de
confort pour ne pas se morfondre indéfiniment. Et les occasions ne
manquent pas : expos en tous genres, animations universitaires,
« impro-bd »....j'ai eu droit en un mois à un bel
éventail des sorties possibles par ici, de quoi me rassurer sur le
potentiel de la ville de Québec. Et c'est sans compter les balades
en forme de flânerie à travers les rues, avec les kilomètres qui
s’enchaînent vite. Entre la vieille ville, la haute-ville et la
basse-ville, il y a dans la capitale québécoise de quoi dépayser
plus d'un voyageur : du vieux, du monumental, du kitsh, du de
bric et de broc, du contemporain ; des influences françaises,
anglaises, purement canadiennes ou américaines...
L'une de mes principales craintes de
nouvel arrivant étant la recherche d'un emploi, avoir trouvé ma
fameuse première expérience québécoise après à peine un mois de
présence et moins de trois semaines de recherches est plus que
réconfortant. Les comparaisons ne sont pas toujours judicieuses,
mais à ce sujet la différence avec les galères de recherche
infructueuses en France sont assez inévitables... Le jeu des
différences étant souvent bancal je m'arrêterai là pour le
moment, mais je terminerai quand même en précisant qu'un mois
d'immersion me permet déjà de confirmer les ragots sur la sympathie
des québécois. On ne peut jamais généraliser, mais j'ai
l'impression qu'il y a ici comme un déficit de ronchonnement dans
l'air, et ça fait plutôt du bien !